
Maître Guoru Zhengzhan (1951-2024)
Nous souhaitons partager avec vous un éloge funèbre qui illustre les processus et états méditatifs, ainsi que la force, la bienveillance et la sagesse dérivés de la pratique de la méditation zen, comme en témoigne la vie du Maître Guoru (1951–2024). L’éloge funèbre a été écrit en Mandarin par une héritière du Dharma du Maître Guoru, Linda Huang, et traduit en anglais par son petit-disciple, Andrew Tan. Sur la base de la version anglaise, l’éloge a ensuite été traduit en français par sa petite-disciple, Laetitia Chiragarhula et en espagnol par son petit-disciple, John Morillo, and into Portuguese by Samy Hotimsky.
Si vous avez la moindre question, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse suivante : friend@nonezencenter.org.



Continuez, continuez courageusement
——- En remerciement pour le travail de toute une vie de Maître Guoru dans la promotion des enseignements Zen de la Lignée des Maîtres du Bouddhisme Chinois.
Écrit en chinois par l’héritière du Dharma : Linda Huang
Traduit par la petite-disciple : Laetitia Chiragarhula
Notre très cher Shifu (Enseignant) — maître de la 58e génération de la lignée Linji, de la 52e génération de la lignée Caodong, et de la 2e génération de la lignée Dharma Drum—Maître Guoru Zhengzhan, est entré au parinirvana à 13 heures le 2 octobre 2024 à l’heure de Taiwan, au monastère de Chan Grove à Taipei, complétant une vie consacrée à la promotion des enseignements Zen de la Lignée des Maîtres du Bouddhisme Chinois.
Nous sommes reconnaissants pour les enseignements compatissants et sages de Shifu, à la fois par ses paroles et par son exemple. Les rappels sincères de Shifu résonnent dans nos cœurs : « Continuez, continuez… » À 74 ans, avec 54 ans de respect des préceptes, Shifu a vécu une vie vibrante et rayonnante, incarnant l’essence de « continuer avec courage ».
Shifu se décrivait comme le dernier « shramana » ou jeune novice de la tradition du bouddhisme chinois. Né le 29 mai 1951 dans la famille Luo à Chiayi, Taïwan, il a rapidement déménagé à Taoyuan. En raison de situations de vie difficiles et de la nature incroyable du Dharma, Shifu a commencé sa vie de « jeune novice » à l’âge de douze ans, recevant les enseignements du Maître DongChu à l’Institut de la culture bouddhiste Chung-Hwa.
Bien que Shifu ait tenté à trois reprises d’échapper à l’entraînement strict de Dongchu, il a continué à approfondir son apprentissage du bouddhisme. A l’Institut bouddhiste de l’Est, le prédécesseur du Collège bouddhiste Fo Guang Shan, il a étudié les concepts bouddhistes sous la direction du professeur Fang Lun, appris les enseignements des écoles Tiantai et Huayan sous la direction de Maître Huixing, et a suivi Maître Tang Yixuan pour étudier la vue juste du Zen de la Lignée des Maîtres. La formation rigoureuse du Maître Dongchu s’est révélée inestimable ; la concentration développée à travers la calligraphie et la conscience cultivée par l’observation de l’environnement ont permis à Shifu, déjà brillant, de lire et mémoriser le contenu de plusieurs livres en une nuit, et de débattre avec les enseignants tout en guidant ses camarades après les cours. Cette phase d’apprentissage a non seulement posé les bases de la compréhension des doctrines bouddhistes de Shifu, mais elle a également établi les principes de sa pratique du zen.
Shifu a été reçu comme disciple par son enseignant, Maître Shengyan, au nom de son grand-maître, Maître Dongchu. Bien que Maître Shengyan ait passé de longues périodes en retraite solitaire ainsi qu’à poursuivre son doctorat au Japon, Shifu se sentait honoré d’être un disciple de Shengyan. Reconnaissant la modernité que Maître Shengyan a apporté au bouddhisme et l’importance de l’éducation monastique dans la promotion du Dharma, Shifu se prépara à poursuivre ses études et a suivi un cours d’anglais à l’Institut Anglais Milton, espérant suivre l’exemple de son maître et élargir sa perspective internationale afin de promouvoir le bouddhisme.
L’impermanence est une réalité constante, et le Dharma se manifeste. Alors qu’il se préparait aux examens d’entrée à l’université, Shifu a souffert d’une tumeur au cerveau. Il ne pouvait pas fermer la bouche, et la moitié de son corps était presque paralysée. Les traitements tels que les médicaments, l’acupuncture et l’électrothérapie n’ont montré aucun effet. Il devait alors affronter la perspective décourageante d’une intervention chirurgicale, freiné par des problèmes financiers et la crainte de devenir une personne en état végétatif après l’opération. Le jeune Shifu n’était pas sûr de la direction à donner à sa vie. Il réfléchit profondément et réalisa que, bien qu’il puisse articuler avec aisance les enseignements bouddhistes, il lui manquait la sagesse et la force dérivées du Dharma lorsqu’il était confronté aux défis de l’impermanence. C’est pourquoi il continua à pratiquer avec assiduité. Lors d’une retraite de méditation de sept jours consacrée à la récitation du nom de Bouddha dirigée par Maître Zhuyun, Shifu avec son corps rigide et lourd, se prosterna devant le Bouddha 1 500 fois par jour ne s’accordant guère de temps pour dormir. Grâce à sa « continuation courageuse », au quatrième jour, il sentit son corps devenir souple et flexible, son esprit se stabiliser, et la sagesse commencer à émerger. La tumeur était toujours présente, mais elle ne constituait plus un obstacle significatif dans sa vie quotidienne. Au cours des dernières années, en raison du vieillissement, Shifu ressentait parfois une rigidité inhabituelle et devait frapper son corps pour éveiller sa sensation.
En suivant Maître Shengyan dans la pratique du Zen, la vie de Shifu s’est ancrée. Bien qu’il ait cultivé la concentration et la sagesse lors de la retraite avec Zhuyun, les retraites zen de Shengyan étaient un entraînement profond du cœur. Lors des entraînements intensifs de retraite en retraite, Shifu a décrit l’angoisse physique et mentale comme semblable à une descente en enfer. Pourtant, il a continué à pratiquer jusqu’à ce que, qu’il dirige ou supervise la pratique de la méditation assise, il ressente la tranquillité apaisante et rafraîchissante qui émerge de la dissolution des frontières entre le passé, le présent et le futur.
Sans effort pour éveiller sa conscience, il était conscient de tout. Quand il marchait, il avait l’impression de marcher sur du coton ; quand il respirait, c’était comme s’il respirait avec l’ensemble de la salle de méditation. Diverses expériences pouvaient être vérifiées dans les récits des maîtres de la lignée zen, mais Shengyan ne les a pas reconnus. Ainsi, Shifu a persévéré jusqu’à ce que, au milieu des larmes de joie et de tristesse, il brise les dernières barrières posées par Shengyan en « suivant les enseignements », permettant ainsi la transmission du Dharma entre eux.
Le chemin de Shifu pour propager le Dharma était semé de défis, mais il a persévéré. Après avoir enseigné en Malaisie et en Thaïlande en 1987, Shifu, accompagné de sa mère malade, a utilisé la résidence d’un partisan sur Wenda Road à Taipei et, avec le don d’un Bouddha en jade, a fondé le « Temple du Bouddha de Jade ». Bien que l’espace ne puisse accueillir qu’une dizaine de personnes, ce lieu est devenu le point de départ de Shifu pour enseigner, tenir des cérémonies et diriger des sessions de méditation. Plus tard, avec le soutien de ses disciples, le Temple du Bouddha de Jade a déménagé vers la rue Minxiang à Zhonghe, où Maître Shengyan a envoyé quelqu’un livrer un manuscrit intitulé « Encouragement pour les pratiquants monastiques et laïcs » afin de guider son disciple et ses petits-disciples. Les pratiquants non seulement s’entraînaient avec diligence, mais prenaient également soin des besoins quotidiens de Shifu, l’aidant ainsi à terminer son Master à l’Université de Géorgie aux États-Unis. En 2009, en raison du déménagement du temple, Shifu a reçu du soutien pour fonder Chan Grove à Beitou, Taipei. Qu’il s’agisse d’enseigner les doctrines bouddhistes, d’expliquer les textes zen, de présider des cérémonies ou de diriger des retraites de méditation, Shifu a insisté pour incarner le véritable sens des enseignements zen des maîtres de la lignée du bouddhisme chinois, les distinguant de la tendance courante à utiliser les techniques de méditation uniquement pour un soulagement psychologique temporaire ou pour la relaxation. Il y avait peu de participants, mais Shifu se réconfortait avec le dicton : « En présence du bon Dharma, l’herbe pousse à trois pieds de haut », continuant courageusement son intention initiale de « suivre les enseignements » et visant à « promouvoir le bouddhisme chinois et à continuer la flamme des cœurs des maîtres de la lignée » comme fondement de Chan Grove, qui servait également de guide et d’espoir pour ses disciples.
La réalisation de la Nature de soi à travers le Dharma n’est pas pour un gain personnel. Ce n’est pas non plus un secret. Tant qu’il y avait des personnes prêtes à écouter, Shifu enseignait; tant qu’une personne s’inscrivait, il donnait cours. Bien que trouver des personnes partageant les mêmes idées soit rare, Shifu a continué à partager et à avancer courageusement, recevant finalement des retours. Ses enseignements du Dharma, basés à Taïwan, ont atteint la Malaisie, la Thaïlande, les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, la Suisse, la Croatie et la Chine continentale, avec 52 livres publiés. La capacité de Shifu à répondre aux questions en anglais simple a offert un grand encouragement aux pratiquants ne parlant pas chinois, car ses conseils directs étaient extrêmement réconfortants. Ainsi, même lorsque le chemin était ardu, Shifu a poursuivi sa voie ; même lorsqu’il a été confronté à la perte soudaine de sa mère lors d’un voyage d’enseignement en Europe, il a respecté ses engagements à diriger des retraites. Ces dernières années, Shifu disait souvent : « Donnez-moi deux ans de plus, laissez-moi continuer. » Du 27 au 28 septembre 2024, il a terminé une retraite de méditation de deux jours à Chan Grove, et le 2 octobre, il est entré au parinirvana.
Shifu a hérité de la dignité de Maître Dongchu ; chaque fois qu’il entrait dans la salle principale ou dans la salle de méditation, l’assemblée était captivée sans qu’il prononce le moindre mot. Il a hérité des enseignements du cœur du Maître Shengyan ; chaque pensée et chaque action ne pouvait échapper à son discernement. Même en déclin de santé, d’un simple commandement, chaque pratiquant pouvait sentir la force vitale abondante de Shifu, expérimentant la compassion et la sagesse des enseignements zen des Maîtres de la lignée.
Le rire de Shifu était le plus fort du monde, inégalé par sa clarté. Son attention était la plus chaleureuse de l’univers : « As-tu mangé ? Dépêche-toi de manger ! » Même lorsqu’il faisait du bénévolat, Shifu demandait sans cesse : « Comment se passe ta pratique ? As-tu des questions ? » Lorsque quelqu’un demandait un congé, cela devenait un moment pour que Shifu exprime son inquiétude : « S’il te plaît, transmets mes salutations aux Bodhisattvas âgés et jeunes. » Il prônait une ornementation modérée : « Un peu de maquillage, c’est bien ; devrions-nous trouver quelqu’un pour donner cours ? » Shifu croyait qu’il était bon d’utiliser la technologie pour la propagation du Dharma : « Nous pouvons aussi utiliser l’IA pour promouvoir. » Son conseil le plus encourageant sur la méditation était : « Bien, bien, continue, continue. »
Continuez, continuez. Shifu, nous continuerons à étudier, continuerons de travailler, continuerons à pratiquer. Shifu, nous prendrons le flambeau, continuerons courageusement et suivrons les enseignements : promouvoir le bouddhisme chinois et transmettre la flamme du cœur des maîtres de la lignée, apportant les enseignements vivants du zen ancestral à chaque coin du monde !
Avec une gratitude infinie et trois prosternations,
En m’inclinant devant Maître Guoru Zhengzhan,
Chan Grove et d’Innombrables Disciples à Travers Trois Grands Éons
Chan Grove, Taipei, Taïwan
10 octobre 2024